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DES AMOURS.

Là-bas après que Charon
T’aura mise en sa nacelle ?

Après ton dernier trépas,
Grêle[1] tu n’auras là-bas
Qu’une bouchette blémie :
Et quand mort je te verrais
Aux ombres je n’avouerais
Que jadis tu fus m’amie.

Ton test[2] n’aura plus de peau,
Ni ton visage si beau
N’aura veines ni artères :
Tu n’auras plus que des dents
Telles qu’on les voit dedans
Les têtes des cimetères[3]

Doncque tandis que tu vis,
Change, maîtresse, d’avis,
Et ne m’épargne ta bouche.
Incontinent tu mourras,
Lors tu te repentiras
De m’avoir été farouche.

Ah je meurs ! ah baise-moi !
Ah ! maîtresse, approche-toi !
Tu fuis comme un faon qui tremble
Au moins souffre que ma main
S’ébatte un peu dans ton sein.
Ou plus bas, si bon te semble[* 1]

  1. Grêle : maigre et desséché.
  2. Test : tête.
  3. Cimetères : cimetières.

  1. Cette chanson n’appartient en rien à Cassandre ; il est intéressant de signaler comment ces mêmes idées, dépouillées de tout développement oiseux et.de leur tour grivois, ont produit le beau sonnet auquel l’auteur paraît.s’essayer : Quand vous serez bien vieille, p. 140.