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LE PREMIER LIVRE

Si[1] qu’en dépit de l’hiver froidureux,
Par la vertu de ses yeux amoureux
Un beau printemps s’engendra de sa face.

  1. Si : de sorte que.


XXV.


Plus que les rois, leurs sceptres et leur bien,
J’aime ce front où mon tyran[1] se joue,
Et le vermeil de cette belle joue,
Qui fait honteux le pourpre[2] Tyrien.

Toutes beautés à mes yeux ne sont rien
Au prix du sein qui soupirant secoue
Son gorgerin sous qui doucement noue[3]
Un petit flot[4] de marbre Parien

En la façon que Jupiter est aise,
Quand de son chant une Muse l’apaise :
Ainsi je suis de ses chansons épris,

Lors qu’à son luth ses doigts elle embesogne[5],
Et qu’elle dit le branle[6] de Bourgogne,
Qu’elle disait le jour que je fus pris.

  1. Mon tyran : l’amour.
  2. Le pourpre : pourpe est aujourd’hui féminin.
  3. Noue : nage, du latin natare.
  4. Un petit flot : le poête entend par cette périphrase l’agitation du sein de sa maîtresse, blanc et ferme comme le marbre de Paros.
  5. Embesogne : occupe.
  6. Le branle : air de danse.


XXVI.


Ce petit chien qui ma maîtresse suit,
Et qui jappant ne reconnaît personne,