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DES AMOURS.

Puisqu’en t’aimant je ne puis avoir mieux,
Permets au moins, qu’en mourant je soupire,
De trop d’orgueil ton bel œil me martyre[1],
Sans te moquer de mon mal soucieux.

Moquer mon mal, rire de ma douleur,
Par un dédain redoubler mon malheur.
Haïr qui t’aime et vivre de ses plaintes,

Rompre ta foi, manquer de ton devoir[2],
Cela, cruelle, hé ! n’est-ce pas avoir
Les mains de sang et d’homicide teintes[* 1] ?


  1. Me martyre : une martyrise
  2. Manquer de ton devoir : faillir (Muret). Tournure grecque que notre langue n’a point conservée.


  1. Ce sonnet, bien qu’empreint d’une exagération dont il faut accuser Properce, se recommande par la netteté et la ferme allure du style.



IX


Quand au matin ma déesse s’habille,
D’un riche or crespe[1] ombrageant ses talons.
Et les filets de ses beaux cheveux blonds
En cent façons en-onde[2] et entortille :

Je l’accompare à l’écumière fille[3]
Qui, or’pignant[4] les siens brunement longs[5],
Or’les frisant en mille crespillons,
Passait la mer portée en sa coquille.

  1. Or crespe : cheveux blonds crêpés. Voy. Sonnet IV.
  2. En onde : tourner et cresper en long blonds. comme ondes (Muret).
  3. Écumière fille : Vénus, née de l’écume de la mer (Ἀφροδίτη, de ἀφρός écume)
  4. Pignant : peignant.
  5. Brunement longs : la plupart des poètes donnent à Vénus des cheveux blonds.Homère l’a nommée Πολύχρυσος Virgile aurea Venus, et notre Musset : Quand la blonde Astarté, fille de l’onde amère, fécondait l’univers en tordant ses cheveux (Rolla)