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De la pucelle assiégea la poitrine ;
D'un froid venin ses lèvres elle enfla
Et le poison, haletant, lui souffla
Aux yeux, au cœur : et en l'âme renverse
Un long serpent, qui, en glissant, lui perce
Foie et poumons : et lors en dénouant
Ses cheveux tors, prompte alla secouant
Mille lézards au sein de la pauvrette ,
Qui la suçaient d’une langue secrète,
A sourdes dents les membres lui mordaient,
Et leur venin par ses os épandaient.

(La nourrice porte la lettre de Clymène à Francus, qui la refuse.)

« Vieille, déloge, ou par le fer tranchant
Je te paîrai de ton port si méchant,
Ou je ferai que le père Dicée
Verra l'écrit de sa fille insensée.
Je ne suis pas en cette île venu
Pour tromper ceux à qui je suis tenu.
Le beau Pâris, pour Hélène ravie,
De mille maux vit sa faute suivie,
Tuer son père , Ilion embraser,
Et jusqu’au fond ses murailles raser.
Je crains les Dieux, et la main qui n’est vide
De Jupiter foudroyant qui me guide,
Et qui défend un roi qui veut loger,
Sans le connaître, un errant étranger.

« Or, si j’avais le loisir et l’envie
Sous Hyménée assujettir ma vie,
Crète habiter, et la Gaule oublier.
Et par promesse ici me marier,
Chaud du plaisir où Vénus nous appelle,
J’aimerais mieux sa sœur Hyante qu’elle :
Elle est modeste, et l'honnête amoureux