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Me fera lieu me voyant langoureuse.
Pauvre abusée ! eh ! ne sais-tu pas bien
Que les parents dérobent notre bien ?
Et que pour eux entier ils le désirent,
Joyeux au cœur quand les autres soupirent ?
Ce n’est qu’un sang de ma sœur et de moi :
Elle prendra pitié de mon émoi !
Foi ni pitié ne régnent plus en terre,
Et le parent au parent fait la guerre !
Las ! que ferai-je ? il vaut mieux la tenter :
L’homme est guéri qui peut se lamenter,
Il n’y a bête aux forêts tant soit fière,
Qui ne soit douce aux pleurs d’une prière,
Hélas ! on dit en proverbe souvent,
Prière et pleurs se perdent comme vent !
Vrai, si l’on prie une âme inexorable ;
Mais ma sœur est et douce et pitoyable ;
Au pis aller je ne saurais sentir,
En l’essayant, que honte et repentir. »

En la façon qu’elle était habillée.
Nu-pieds, sans robe, affreuse, échevelée,
Délibéra, contre le mal d’amours,
De voir sa sœur et demander secours.
Elle courut comme son pied la porte ;
Se recula ; comme le pèlerin
Qui, de fortune, a trouvé par chemin
Un long serpent, dont la hideuse trace
Donne frayeur à notre humaine race.
Et fait mourir les fleurs de son cracher :
Il se recule, et n’ose en approcher.

( Incertitude de Clymène.)

Ce Dieu, qui bat d’une forte secousse
Son cœur douteux , si bien la fourvoya,