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(Sacré repos !) d’un vase fait d’airain :
Puis arrosa, par grand’ cérémonie,
D’une sainte eau trois fois la compagnie :
Les derniers mots de l’obsèque acheva,
A-tant se tut, et le peuple s’en va.

(Peinture énergique de l’amour de Clymène.)

Elle songeait, pleine d’amour extrême
Entre-dormant, que Francus de soi-même
Avait pris bord en Crète, pour oser
Prier son père, afin de l’épouser,
Et que la dextre en la dextre ayant mise
De l’étranger, la lui avait promise.
Que par courroux dédit il s’en était ;
Que le Troyen pour elle combattait,
A toute force, et que tout bouillant d’ire
La traînant seule en sa creuse navire,
Bien loin de Crète, en la profonde mer,
Et que son père ardent faisait armer
Mille vaisseaux, afin de la poursuivre,
Et le larron ne laisser ainsi vivre :
Que le rivage était rempli de feux,
D’armes, de naus[1], et de peuples émeus,
Faisant grand bruit, et ce bruit la réveille.

Or, comme amour traitrement la conseille,
Devant le jour, hors du lit se leva,
Et par sa chambre à tâtons elle va,
Touchant les murs d’une main incertaine,
Et ramassa son esprit à grand’ peine,
Que le sommeil du corps lui détacha ;
Puis derechef au lit se recoucha,
D’amour, de peme et de rage frappée,
Où derechef le songe l’a trompée.

  1. Naus : navires