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AU ROY[1].


Sire,

D’autant loin que l’on se peut souvenir par les monumens de l’antiquité, je trouve que, comme les grands roys sourdent rarement, aussi font les poëtes excellens : de sorte qu’il semble que la fatalité, sous la providence de Dieu, amene au siecle les uns et les autres : et qu’à bon droict ils ont esté avec pareil honneur appelez les enfans de Jupiter, ou pour mieux dire, du Dieu vivant : car les grands roys, ornez de vertus heroïques, et les poëtes rares et divins, sont entre les hommes, pour monstrer deux grands effets de la divinité, tant pour l’auctorité de commander aux personnes, que pour la grace de gaigner les esprits, tous les deux avec admiration et reverence : et n’y a rien qui face tant remarquer le siecle et l’âge au cours du temps, comme ces deux sortes de grands personnages. C’est pourquoy, Sire, ayant acquis par le droict d’hospitalité, la familiere accointance de feu monsieur de Ronsard, excellent poëte, qui commença ses estudes sous le grand roy François, vostre ayeul, pere des arts et sciences : et qui florit du regne du roy Henry, vostre pere, les delices et l’amour du peuple : puis apres du regne du roy Charles, vostre

  1. Henri III.