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VIE

Aigipans qui portoient des cornes sur le front,
Et qui ballant sautoient comme les chèvres font,
Et le gentil troupeau des fantastiques Fées,
Autour de moy dansoient à cottes dégrafées.

(Poëmes, II, à Lescot.)

Les lieux où se plaisait Ronsard nous donnent le secret de son talent : « Sa demeure ordinaire estoit à Saint-Cosme, lieu fort plaisant et comme l’œillet de la Touraine, jardin de France, ou à Bourgueil, à cause du déduit de la chasse, auquel il s’exerçoit volontiers… Comme aussi à Croix-Val, recherchant ores la solitude de la forest de Gastine, ores les rives du Loir, et la belle fonteine Bellerie ou celle d’Hélène… Quand il estoit à Paris et qu’il vouloit s’esjouir avec ses amis ou composer à requoy, il se délectoit ou à Meudon, tant à cause des bois que du plaisant regard de la rivière de Seine, ou à Gentilly, Hercueil (Arcueil), Saint-Clou et Vanves, pour l’agréable fraîcheur du ruisseau de Bièvre, et des fonteines que les Muses aiment naturellement. » (Binet.) Il aimait aussi la demeure de Boncourt, qu’il nommait le Parnasse de Paris, et où il se retirait avec son cher Gallandius. A telles marques nous reconnaissons le véritable poëte ; c’est dans de telles retraites que naissent les beaux vers, mieux que sous les lambris du Louvre ou entre les murs d’une académie.

La vivacité de l’esprit de Ronsard n’éclatait pas seulement dans la poésie : tous les beaux-arts, la peinture, la sculpture, la musique, lui étaient familiers, sinon par la pratique, au moins par l’intelligence qu’il avait de leurs mystères, et, s’il n’eût pas été le premier des poëtes du seizième siècle, certains morceaux que nous avons con-