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VIE

toute pleine d’imitations pédantesques de Cicéron et de Tacite. Ronsard y est surnommé le grand Pan et le père des Muses. Quelques mouvements oratoires que Bossuet n’a pas dédaignés, et de précieux détails sur la vie et les travaux de Ronsard, assurent néanmoins à cet éloge une place parmi les monuments littéraires du seizième siècle. Du reste, les renseignements abondent sur la personne du poëte, ses sentiments, les habitudes de sa vie, ses opinions religieuses et le petit nombre d’événements qui méritent de nous intéresser. Nous savons par Claude Binet, son premier biographe, qu’il était « d’une stature fort belle, auguste et martiale, avait les membres forts et proportionnés, le visage noble, libéral et vraiment français, la barbe blondoyante, cheveux châtains, nez aquilin, les yeux pleins de douce gravité et le front fort serein ; mais surtout sa conversation était facile et attrayante. » Rude à ses ennemis, il ne mettait pourtant pas d’opiniâtreté dans sa haine, et sa réconciliation prompte et sincère avec Melin de Saint-Gelais, qui l’avait si vivement offensé, témoigne de la bonté de son cœur. Sans doute la générosité royale ne lui laissa jamais lieu d’accuser les rigueurs de la fortune ; toutefois nous pouvons dire que, malgré les sollicitations, qu’il regarde peut-être comme un sujet heureux et une matière commode à la poésie, il ne montra jamais d’âpreté pour le gain. Jusqu’en 1584, il n’avait retiré aucun profit de ses ouvrages. Cette année-là seulement, « il entend que Buon, son libraire, lui donne soixante bons écus pour avoir du bois, et aller se chauffer l’hyver avec son ami Gallandius. » Son testament distribue une notable partie de ses biens « aux pauvres de Dieu. »

Gentilhomme accompli, nul ne réalisa mieux que lui