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DE P. DE RONSARD.

Tourmenté de douleurs nerveuses et d’un vague pressentiment de sa fin prochaine, il veut revoir ce gracieux pays de sa naissance, et se fait conduire à Croix-Val, sa demeure ordinaire, près de la forêt de Gastine et de la Fontaine Bellerie, puis de Croix-Val à Tours, dans son prieuré de Saint-Cosme en l’Isle, où, l’esprit sain et entier, après avoir édifié les assistants par la ferveur de sa piété, « il rendit son âme à Dieu sur les deux heures de nuict, le vendredi vingt-septiesme de décembre, mil cinq cens quatre-vingt-cinq, ayant vescu soixante et un an, trois mois et seize jours. » Selon son désir et son ordre, il fut enterré au chœur de l’église de Saint-Cosme, et par les soins de Galland on grava sur son tombeau cette épitaphe, qu’il avait composée à Croix-Val, quelques jours auparavant :

Ronsard repose icy, qui hardy dès enfance
Destourna d’Hélicon les Muses en la France,
Suivant le son du luth et les traicts d’Apollon ;
Mais peu valut sa Muse encontre l’éguillon
De la mort, qui, cruelle, en ce tombeau l’enserre :
Son âme soit à Dieu, son corps soit à la terre.

La France s’émut de la mort de Ronsard comme d’une calamité publique. On fit célébrer solennellement ses funérailles dans la chapelle du collége de Boncourt, le lundi 24 février 1586 ; les plus illustres seigneurs de la cour, Charles de Valois, le duc de Joyeuse, le cardinal son frère, l’élite du parlement et la fleur des meilleurs esprits de France honorèrent cette pompe funèbre. Du Perron, depuis évêque d’Évreux, prononça une oraison qui témoigne à la fois de l’admiration des contemporains et du goût littéraire de l’époque. C’est une œuvre presque païenne,