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VIIL.


A LOUIS MEYGRET (*).


Mon âme, il est temps que tu rendes
Aux bons dieux les justes offrandes
Dont tu as obligé1 tes vœux :
Sus, qu'on dresse un autel de terre,
Avec toi payer je le veux,
Et qu'on le pare de lierre
Et de verveine aux froids cheveux2 !


Les dieux n'ont remis en arrière
L'humble soupir de ma prière,
Et Pluton, qui n'avait appris
Se fléchir pour deuil qu'homme mène,
N'a pas mis le mien à mépris,
Rappelant la Parque inhumaine
Qui jà Du Bellay3 tenait pris.


Mortes sont les fièvres cruelles
Qui rongeaient ses chères mouelles :
Son œil est maintenant pareil
Aux fleurs que trop les pluies baignent
Envieuses de leur vermeil4,
Qui plus gaillardes se repeignent
Aux rayons du nouveau soleil.


Sus, Meygret, qu'on chante, qu'on sonne
Cet heur que la santé lui donne !
Qu'on chasse ennuis, soucis et pleurs;


1 Obligé : lié.
2 Cheveux : feuillage
3 Voy. Ode 14, liv. II.
4 Vermeil : éclat. (*) Meygret, grammairien né à Lyon en 1510, un des réformateurs de l'orthographe française.