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VIE

autour de lui, et Melin de Saint-Gelais, qui avait acquis par un talent réel un assez grand crédit auprès des grands et du roi, ne rougit point de se mettre à la tête de cette tourbe et de calomnier en pleine cour les œuvres de Ronsard. Celui-ci s’en vengea publiquement par des vers qui coururent toute la France, et qu’il mit à la fin de l’hymne sur la mort de Marguerite reine de Navarre.

Escarte loin de mon chef
Tout malheur et tout meschef ;
Préserve moy d’infamie,
De toute langue ennemie
Et de tout acte malin,
Et fay que devant mon prince
Désormais plus ne me pince
La tenaille de Melin.

Melin s’honora lui-même par une sorte d’abjuration de ses critiques, et rendit à Ronsard l’hommage que méritait son talent. C’est par de nouveaux progrès que l’homme de génie cherche à faire taire ses détracteurs : pour répondre aux critiques qui blâmaient l’emphase et l’obscurité de son style, le poëte écrivit en vers plus faciles les Amours de Marie, belle fille de l’Anjou, dont il devint amoureux dans un voyage qu’il fit avec Baïf, et qu’il désigne souvent sous le nom de Pin de Bourgueil, parce que c’était le lieu où elle demeurait et où il l’avait vue pour la première fois.

Les plus illustres approbations couvraient les criailleries « des grenouilles courtisanes » émues contre Ronsard ; Michel de l’Hospital, depuis chancelier de France, entreprit de vive voix et par écrit la défense « du nouveau Virgile ; » Marguerite, sœur du roi, et depuis duchesse de Savoie, le