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LES AMOURS DIVERSES.

Tantôt nous danserons par les fleurs des rivages
Sous maints accords divers ;
Tantôt, lassés du bal, irons sous les ombrages
Des lauriers toujours verts,

Où le mollet Zéphyre en haletant secoue
De soupirs printaniers
Ores les orangers, ores mignard se joue
Entre les citronniers.

Là du plaisant avril la saison immortelle
Sans échange le suit ;
La terre sans labeur de sa grasse mamelle
Toute chose y produit.

D’en bas la troupe sainte, autrefois amoureuse,
Nous honorant sur tous,
Viendra nous saluer, s’estimant bienheureuse
De s’accointer de nous[1].

Puis, nous faisant asseoir dessus l’herbe fleurie
De toutes au milieu,
Nulle en se retirant ne sera point marrie
De nous quitter son lieu.

Non celle qu’un taureau sous une peau menteuse
Emporta par la mer[2] ;
Non celle[3] qu’Apollon vit, vierge dépiteuse[4],
En laurier se former ;

Ni celles qui s’en vont toutes tristes ensemble,
Artémise et Didon ;
Ni cette belle Grecque à qui ta beauté semble
Comme tu fais de nom[5].

  1. De s’accointer de nous : d’être en notre compagnie.
  2. Europe.
  3. Daphné.
  4. Dépiteuse : irritée.
  5. Hélène.