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POUR HÉLÈNE, LIV. II.

À ce fils[1] de Thétis, à l’autre fleur des armes.

Le ciel malin borna ses jours de peu de termes :
Il eut courte la vie, ailée à s’en aller ;
Mais son nom, qui a fait tant de bouches parler,
Lui sert contre la mort de piliers et de termes[2].

Il eut pour sa prouesse un excellent sonneur[3] :
Tu as pour tes vertus en mes vers un honneur
Qui malgré le tombeau suivra ta renommée.

Les dames de ce temps n’envient ta beauté,
Mais ton nom, tant de fois par les Muses chanté,
Qui languirait d’oubli si je ne t’eusse aimée.


XVII.
ÉLÉGIE.


 
Six ans étaient coulés, et la septième année
Était presques entière en ses pas retournée,
Quand, loin d’affection, de désir et d’amour,
En pure[4] liberté je passais tout le jour,
Et, franc de tout souci qui les âmes dévore,
Je dormais dès le soir jusqu’au point de l’aurore ;
Car, seul maître de moi, j’allais, plein de loisir,
Où le pied me portait, conduit de mon désir,
Ayant toujours ès mains, pour me servir de guide,
Aristote ou Platon, ou le docte Euripide,
Mes bons hôtes muets, qui ne fâchent jamais :
Ainsi que je les prends, ainsi je les remets.
O douce compagnie et utile et honnête !
Un autre en caquetant m’étourdirait la tête.

  1. Achille.
  2. Termes : bornes.
  3. Sonneur : chantre. La mot sonner est fréquemment employé par Ronsard dans le sens de chanter.
  4. Pure : entière, sens du latin purus.
RONSARD. – T. I.
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