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POUR HÉLÈNE, LIV. II.
X.


Genèvres[1] hérissés, et vous, houx épineux,
L’un hôte des déserts, et l’autre d’un bocage ;
Lierre, le tapis d’un bel antre sauvage,
Sources qui bouillonnez d’un surgeon[2] sablonneux ;

Pigeons qui vous baisez d’un baiser savoureux,
Tourtres[3] qui lamentez d’un éternel veuvage,
Rossignols ramagers, qui d’un plaisant langage
Nuit et jour rechantez vos versets amoureux ;

Vous à la gorge rouge, étrangère[4] arondelle,
Si vous voyez aller ma Nymphe en ce printemps
Pour cueillir des bouquets par cette herbe nouvelle,

Dites lui pour néant[5] que sa grâce j’attends,
Et que pour ne souffrir le mal que j’ai pour elle,
J’ai mieux aimé mourir que languir si longtemps.


XI.


Le soir qu’Amour vous fit en la salle descendre
Pour danser d’artifice un beau ballet d’amour,
Vos yeux, bien qu’il fût nuit, ramenèrent le jour,
Tant ils surent d’éclairs par la place répandre.

Le ballet fut divin, qui se soulait reprendre,
Se rompre, se refaire, et tour dessus retour
Se mêler, s’écarter, se tourner à l’entour,

  1. Genèvres : genièvres.
  2. Surgeon : bouillon. Ce mot est à regretter pour notre poésie.
  3. Tourtres : tourterelles.
  4. Étrangère : voyageuse.
  5. Pour néant : sans effet.