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SONNETS

Des arbres et des murs, lesquels tour dessus tour
Plis dessus plis il serre, embrasse et environne.

A vous de ce lierre appartient la couronne,
Je voudrais comme il fait et de nuit et de jour
Me plier contre vous, et languissant d’amour,
D’un nœud ferme enlacer votre belle colonne[1].

Ne viendra point le temps que dessous les rameaux
Au matin où l’Aurore éveille toutes choses,
En un ciel bien tranquille, au caquet des oiseaux,

Je vous puisse baiser à lèvres demi-closes,
Et vous conter mon mal, et de mes bras jumeaux
Embrasser à souhait votre ivoire et vos roses ?


VI.


Si la beauté se perd, fais-en part de bonne heure,
Tandis qu’en son printemps tu la vois fleuronner :
Si elle ne se perd, ne crains point de donner
A tes amis le bien qui toujours te demeure.

Vénus, tu devrais être en mon endroit meilleure,
Et non dedans ton camp ainsi m’abandonner :
Tu me laisses toi-même esclave emprisonner
Ès mains d’une cruelle où il faut que je meure.

Tu as changé mon aise et mon doux en amer.
Que devais-je espérer de toi, germe de mer[2],
Sinon toute tempête ? et de toi qui es femme

De Vulcain, que du feu ? de toi garce[3] de Mars,

  1. Votre corps.
  2. De Vénus Aphrodite, née de la mer.
  3. Amante.