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Et de ta courtoisie, et de tes privautez,
Et de l’affection envers moy si naïve
Quand mon corps est malade, ou mon ame pensive :
Et bref me souvenant de l’extreme douceur
Qui part de tes beaux yeux dont je nourris mon cœur,
Plus mon amour s’augmente, et plus mon estincelle,
Estant loin de mon feu, s’accroist et renouvelle.
Voylà mon naturel, et si trompé je suis,
La faute vient d’Amour, non de moy qui ne puis
M’eslongner de l’ardeur de te re-voir presente :
Si je suis abusé, mon abus me contente.
Maistresse, en attendant le bien de te revoir,
Je suppli’ humblement ta main de recevoir
Ces vers que de la sienne Amour mesme te porte :
En escrivant de toy, mon cœur se reconforte.


AU ROY. ELEGIE VIII. Si les souhaits des hommes avoient lieu, Et si les miens estoient ouys de Dieu, >t Je luy ferois une requeste, Sire, De vous donner, non un meilleur Empire, Non plus de grace ou plus grande beauté, Non plus de force ou plus de Royauté, Ou plus d’honneur pour illustrer vostre âge, Mais vous donner six bons ans d’avantage. Lors vous seriez en âge tresparfait, Et je verrois accomply mon souhait, Qu’avecque moy tout le peuple souhaite Pour une joye accomplie et parfaite. D’où vient cela qu’au retour des beaux mois On voit les fleurs, les herbes, et les bois Croistre soudain, et les Rois de la terre Qui dessous Dieu ont le second tonnerre, Qui doivent tant de Provinces tenir, Mettre en croissant si long temps à venir ?