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A la fin mes vallets qui portent sur les yeux
Et dans le nez ronflant le dormir ocieux,
Entre-sillez du somme, ainsi me viennent dire :
Monsieur il est bien tard, un chacun se retire,
Jà my-nuit est sonné, qu’avez vous à gemir !
La chandelle est faillie, il est temps de dormir !
Alors importuné de leur sotte priere
Je laisse tout mon corps pancher en une chaire
Nonchallant de moymesme, et mes bras vainement
Et mon chef paresseux pendant sans mouvement,
Je suis sans mouvement paresseux et tout lâche.
L’un m’oste la ceinture, et l’autre me detache,
L’un me tire la chausse, et l’autre le pourpoint :
Ils me portent au lict, et je ne le sens point !
Puis quand je suis couché, Amour qui me travaille,
Armé de mes pensers me donne la bataille :
Le lict m’est un enfer, et pense que dedans
On ait semé du verre ou des chardons mordans :
Maintenant d’un costé, maintenant je me tourne
Desur l’autre en pleurant, et point je ne sejourne.
Amour impatient qui cause mes regrets,
Toute nuict sur mon cœur aiguise tous ses traits,
M’aiguillonne, me poingt, me pique et me tormente,
Et ta jeune beauté tousjours me represente.
Mais si tost que le coq planté desur un pau
A trois fois salué le beau Soleil nouveau,
Je m’habille, et m’en-vois où le desir me meine
Par les prez non frayez de nulle trace humaine,
Et là je ne voy fleur ny herbe ny bouton,
Qui ne me ramentoive ores ton beau teton,
Et ores tes beaux yeux ausquels Amour se jouë,
Ores ta belle bouche, ores ta belle jouë.
Puis foulant la rosée, en pensant je m’en-vois
Trouver quelque Genévre au beau milieu d’un bois,
Où loin de toutes gens je me couche à l’ombrage
De cest arbre gentil, dont l’ombre me soulage :
Je l’embrasse et le baise, et l’arraisonne ainsi,
Comme s’il entendoit ma peine et mon souci.
Genévre qui le nom de ma Maistresse portes,