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Pour le mettre en ta place au fond de ma poitrine : Car desormais de toy jouyra Proserpine. Ainsi disoit Venus, qui sa lévre approchant Sur les lévres du mort, pleurant alloit cherchant Les reliques de l’Ame, et les humoit en elle, Afin de leur servir d’une tombe eternelle : Les baignoit de ses pleurs, et d’une haute vois Remplissoit de douleurs les rochers et les bois, S’esgratignoit la joue, et attainte de rage Se rompoit les cheveux, et plomboit son visage. Luy tournant vers le ciel les yeux, fist un souspir, Puis pressé de la mort il se laisse assoupir Sans force et sans vigueur dans les bras de la belle, Ainsi qu’on voit faillir sans cire une chandelle. Si tost qu’el’le vit mort, Amour d’autre costé Luy a plustost que vent son regret emporté, Si qu’elle qui estoit n’agueres tant esprise D’Adonis, l’oublia pour aimer un Anchise, Un Pasteur Phrygien, qui par les prez herbeux De Xante recourbé faisoit paistre ses beufs. Telles sont et seront les amitiez des femmes, Qui au commencement sont plus chaudes que flames, Ce ne sont que souspirs, mais en fin telle amour Resemble aux fleurs d’Avril qui ne vivent qu’un jour.


ELEGIE VII.

Ce me sera plaisir, Genévre, de t’escrire,
Estant absent de toy, mon amoureux martyre.
Helas je ne vy pas ! ou je vy tout ainsi

Que vit dedans le lict un malade transi,
Qui deçà qui delà se tourne et se remue :
Ayant dans le cerveau la fiévre continue,
Il resve et se despite, et ne sçait comme il faut
(Ore entre la froideur et ore entre le chaut)
Gouverner sagement sa raison estourdie
Des differens accez de telle maladie.
Ainsi quand le Soleil se plonge dans la mer,