Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 4.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ouvrit en deux de ses ruades,
Tellement que luy seul tourna
En fuite l’Indois, et donna
A Bachus qui fuyoit, la gloire,
Et le butin de la victoire.
Lors Bachus, en lieu du bien-fait
Que les Freslons luy avoient fait,
Leur ordonna pour recompance
D’avoir à tout jamais puissance
Sur les vignes, et de manger
Les raisins prests à vendanger,
Et boire du moust dans la tonne
Impuniment lors que l’Autonne
Amasse des coutaux voisins
Dedans le pressoiier les raisins,
Et que le vin nouveau s’escoule
Du pied du gâcheur qui le foule.
Or vivez bien-heureux Freslons,
Tousjours de moy voz aiguillons
Et de Belleau soient loin à l’heure
Que la vendange sera meure :
Et rien ne murmurez sinon
Par l’air que de Belleau le nom,
Nom, qui seroit beaucoup plus digne
D’estre dit par la voix d’un Cygne.


DISCOURS CONTRE FORTUNE, à Odet de Colligny, Cardinal de Chastillon. C’est à vous mon Odet. à qui je me veux plaindre, Et comme en un tableau ma fortune vous peindre, A vous qui avez soin de mon bien, tout ainsi Qu’un pere tressoigneux de son fils a souci : Encores bien souvent on voit assez de peres Qui sont à leurs enfant superbes et coleres, Les battent sans propos et sans nulle raison, Les chassant par courroux bien loin de la maison : Mais vous pour quelque offense ou faute que je face,