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Qu’il n’est Amant qui ne desire
Comme toy devenir oiseau
Pour desgoiser un chant si beau :
Puis quand tu t’es bien eslevée,
Tu tombes comme une fusée
Qu’une jeune pucelle au soir
De sa quenouille laisse choir,
Quand au fouyer elle sommeille,
Frappant son sein de son oreille :
Ou bien quand en filant le jour
Voit celuy qui luy fait l’amour,
Venir pres d’elle à l’impourveiie,
De honte elle abaisse la veiie,
Et son tors fuseau delié
Loin de sa main roule à son pié.
Ainsi tu roules mon Alouette,
Ma doucelette mignonnette,
Alouette, que j’aime mieux
Que tous oiseaux qui sont aux Cieux.
Tu vis sans offenser personne,
Ton bec innocent ne moisonne
Le froment, comme ces oiseaux
Qui font aux hommes mille maux,
Soit que le bled rongent en herbe,
Ou soit qu’ils l’egrenent en gerbe :
Mais tu vis par les sillons verts,
De petits fourmis et de vers :
Ou d’une mousche, ou d’une achée
Tu portes aux tiens la bechée,
Ou d’une chenille qui sort
Des fueilles, quand l’Hyver est mort.
Et pource, à grand tort les Poètes
Ont mal feint, que vous Alouètes
Avez vostre pere hay
Jadis jusqu’à l’avoir trahy :
Couppant de sa teste Royale
La blonde perruque fatale,
Dans laquelle un crin d’or portoit
En qui toute sa force estoit.