Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 3.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
I. LIVRE DES ODES

Mignonne, elle a dessus la place
Las, las, ses beautez laissé cheoir !
O vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
   Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.


A JOACHIM DU BELLAY, Angevin.

ODE XVIII.

   Celuy qui ne nous honore
Comme Prophètes des Dieux,
Plein d’un orgueil odieux
Les Dieux il mesprise encore.
Et le Ciel qui nous décore
De son trésor le plus beau.
Nous mariant au troupeau
Que le saint Parnasse adore.
   Une sainte jalousie
De leurs presens les plus dous
Se laissant glisser en nous
Flatte nostre poésie,
Qui darde la fantasie
De leurs Prestres agitez
Jusqu’au sein des Deitez,
Yvres de leur Ambrosie.
   De-là revolans au monde
Comblez de secrets divers.
Vont chantant par l’univers
D’une voix où Dieu abonde
Et leur divine faconde
Sert d’oracles, et sont faits