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Mes souspirs mes amis vous m’estes agreables,
D’autant que vous sortez pour un lieu qui le vaut :
Je porte dans le cœur des flames incurables,
Le feu pourtant m’agrée, et du mal ne me chaut.
Autant me plaist sentir le froid comme le chaut :
Plaisir et desplaisir me sont biens incroyables.
Bien-heureux je m’estime aimant en lieu si haut,
Bien que mon sort me mette au rang des miserables.
Des miserables ? non, mais au rang des heureux.
» Un homme ne pourrait (sans se voir amoureux)
» Cognoistre par le mal que valent les liesses :
Non, je ne voudrais pas pour l’or de l’univers
N’avoir souffert les maux, qu’en aimant j’ay soufferts
Pour l’attente d’un bien qui vaut mille tristesses.


BELLEAU

Mes souspirs mes amis.) Il dit que le mal qu’il endure sous la rigueur de sa maistresse, luy est doux et plai sant, par ce que ses graces et ses perfections sont si rares, qu’elle merite bien qu’on souffre quelque chose de plus grand encores, s’estimant bienheureux d’avoir esté espris de son amour, et d’estre miserable à jamais, esperant en fin recevoir un bien, suffisant d’ensevelir toutes les rigueurs qu’il avoit souffertes pour elle. Mes souspirs.) Il parle à ses souspirs, comme Petrarque en mille endroits. Il dit que celuy ne peut faire jugement du bon-heur, qui n’a fait preuve du mal-heur premiere ment. Tout est aisé.

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