Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

Une Mer à laquelle on ne se doit fier :
Luy tousjours est cholere, elle tousjours marrie.
Sous un tiltre d’honneur ce guerrier nous convie
De hanter les combats, puis est nostre meurtrier :
La Mer en se calmant fait semblant de prier
Qu’on aille en son giron’, puis nous oste la vie.
Vous tenez de ce Dieu, mais trop plus de la Mer,
Qui feistes voz beaux yeux serenement calmer,
Pour m’attirer chez vous par vos belles œillades.
Heureux et plus qu’heureux, si je m’estois gardé,
Et si j’eusse la Mer du havre regardé,
Sans me faire presser en tant de Symplegades.


BELLEAU

Mars fut vostre parrein.) Le Poète voulant monstrer couvertement la cruauté de sa maistresse, se jouant sur l’equivoque de son nom, feint par une gentille inven tion, que le jour de sa naissance Mars luy servit de parrein, et la Mer de marreine, deux noms de nature cruelle : et puis ayans quelque voisinage avec celuy de Marie, faisant comparaison, il se dit estre en pareille fortune, que celuy, lequel se persuade suivre les armes, sous ombre de s’enrichir de quelque tiltre honorable, ou de quelque butin, ne rapportant en fin qu’une ruine de son bien, ou une playe, ou bien souvent la mort. Il dit qu’il est aussi semblable au marinier, lequel esperant trom per le malheur et recevoir quelque bon visage de fortune, attiré d’une douce et calme tranquilité de mer, sans consideration des naufrages, infortunes, et tourmentes qui y surviennent apres, se donne en proye à l’impitoyable cruauté des vagues et des vents : toutefois perseverant en sa metaphore, il dit qu’elle retire plus de naturel de la mer, faisant comparaison de ses yeux, de son front, et de ses beautez à la mer, quand elle est calme, disant