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Les Villes et les Bourgs me sont si odieux,
Que je meurs si je voy quelque tracette humaine :
Seulet dedans les bois pensif je me promeine,
Et rien ne m’est plaisant que les sauvages lieux.
Il n’y a dans ces bois sangliers si furieux,
Ny roc si endurcy, ny ruisseau, ny fontaine,
Ny arbre tant soit sourd, qui ne sache ma peine,
Et qui ne soit marry de mon mal envieux.
Un penser qui renaist d’un autre, m’accompaigne
Avec un pleur amer qui tout le sein me baigne,
Travaillé de souspirs qui compaignons me sont :
Si bien que si quelcun me trouvoit au bocage,
Voyant mon poil rebours, et l’horreur de mon front,
Ne me diroit un homme, ains un monstre sauvage.


BELLEAU

Les Villes et les Bourgs.) L’Autheur ayant receu quelque mauvais visage de sa dame, ou bien estant entré en quelque jalousie, delibere de s’absenter, et se retirer en lieu solitaire et eslongné de toute compagnie, pour plus librement descharger sa cholere, et discourir de ses passions, lesquelles estoient si violentes, qu’il asseure que mes me les rochers, les bois et les ruisseaux, encores qu’ils n’ayent sentiment, estoient marris et desplaisans de son infortune, comme participans de ses doleances. Les Poètes ont tousjours en ceste opinion, pour plus commodément escrire leurs passions, de se retirer en lieux champestres, eslongnez des mignardises et delicatesses des villes. Petr[arque].