Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée

Envoyoit par honneur en Ambassade Ulysse,
Qui faisant à son Prince et au peuple service,
Soymesme s’honoroit et les rendoit contens,
Estimé le plus sage et facond de son temps.
Il fut, comme tu es, amoureux de sa charge,
(Dont le Roy se despouille et sur toy se descharge :)
Car tu n’as point en l’ame un plus ardent desir
Que faire ton estat, seul but de ton plaisir,
Te tuant pour ta charge en la fleur de ton âge,
Tant la vertu active eschauffe ton courage.
Je diray sans mentir, encores que tu sois
Hautement eslevé par les honneurs François,
Tu ne dedaignes point d’un haussebec de teste,
Ny d’un sourcy hagard des petits la requeste,
Reverant sagement la fortune, qui peult
Nous hausser et baisser tout ainsi qu’elle veut.
Mais comme departant ta faveur et ta peine
A tous egalement, tu sembles la fonteine,
Qu’un riche citoyen par la soif irrité
Faict à larges canaux venir en sa cité,
Laquelle verse apres sans difference aucune
A grands et à petits ses eaux pour la commune.
Puis je veux devaller soubs la terre là bas
Où commande Pluton, la Nuict et le trespas :
Et là me pourmenant soubs les ombres Myrtines,
Chercher ton Morvillier et tes deux Ausbépines,
Deux morts en leur vieillesse, et l’autre à qui la main
De la Parque trop tost trancha le fil humain,
Tous trois grands ornemens de nostre Republique.
Puis ayant salué ceste bande Heroïque,
Dont les fronts sont tousjours de Lauriers revestus,
Je leur diray comment tu ensuis leurs vertus,