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Vostre front, et vos mains dignes d’une immortelle,
Et vostre œil qui me fait trespasser quand j’y pense.
Amour, qui ce jour là si grandes beautez vit,
Dans un marbre, en mon cœur d’un trait les escrivit :
Et si pour le jourd’huy vos beautez si parfaites
Ne sont comme autresfois, je n’en suis moins ravy :
Car je n’ay pas égard à cela que vous estes,
Mais au dous souvenir des beautez que je vy.


BELLEAU

L’an se rajeunissoil.) Il est vray-semblable que cette Sinope, de laquelle parle le poëte es quatorze Sonets ensuivans, fut de plus illustre parenté que la premiere, dont au paravant il a fait mention : Car ayant nommé l’autre (à ce que je puis conjecturer) de son nom propre, il a par reverence celé sous le nom de Sinope cette-cy. La maniere de déguiser les noms des femmes, ausquelles on porte amitié a tousjours esté approuvée par les poètes les plus anciens. On dit qu’Homere ce grand Dieu de poésie se feignit luy mesme estre Ulysse, et que s’amie avoit nom Penelope, et qu’en faveur d’elle et des travaux qu’il avoit soufiers en son service, composa le plaisant discours de l’Odyssée : Hesiode plus ancien que luy, aima une dame qu’il surnomma tJuk, c’est à dire matinalle ou belle comme l’aube du jour, de laquelle il a commencé la description de son boucler. Callimach, Philette, et Mimnerme, poetes Grecs elegiaques ont fait le semblable. L’exemple desquels a esté suivy par les poètes Latins, comme assez tu pourras veoir en lisant les vers de Catulle, Tibulle, Properce, Corneille Gai. et Ovide celebrans leurs maistresses sous les noms feins de Lesbie, Delie, Nemese, Cyntie, Lycoride, et Corynne. Nostre autheur suivant icy cette ancienne façon, appelle sa dame Sinope, c’est à dire, qui gaste et ofïence les yeux et la veuë : faisant venir son nom du verbe Grec ffiv&), qui signifie perdre et gaster et oty, qui signifie regard et