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Vous seule gouvernez les brides de mon ame, Et seulz vos yeux me font ou pleurer, ou chanter, Ils m’ont sceu tellement d’un regard enchanter, Que je ne puis ardoir d’autre nouvelle flamme, Quand j’aurois devant moi toute nuë une femme, Encores sa beauté ne me sçauroit tenter. Si vous n’estes d’un lieu si hautain que Cassandre, Je ne sçaurois qu’y faire, Amour m’a fait descendre Jusques à vous aymer, Amour, qui n’a point d’yeux, Qui tous les jours transforme en cent sortes nouvelles Aygle, Cigne, Toreau, ce grand maistre des dieux, Pour le rendre amoureux de nos femmes mortelles.

BELLEAU

Autre, j’en jure amour.) Il respond à sa dame, laquelle ne se pouvoit persuader d’estre aymée de luy : pour l’asseurer du contraire, il jure par la puissance d’amour, serment assez leger pour adjouster peu de foy aux parolles des amoureux. Davantage il dit avoir esté telle ment enchanté par le regard de ses yeux, qu’il ne pourroit estre épris d’autre feu, il dit aussi qu’Amour estant aveugle n’a point esgard à la grandeur ou à la petitesse de ceux, lesquels tombent en ses liens, et qui sont navrez de ses traits : par une comparaison de Jupiter, lequel daigna bien se déguiser sous le plumage d’un Cygne pour plus secrettement prendre son plaisir avecques Leda, et emprunter la figure d’un Toreau pour ravir la belle Europe, toutes deux femmes mortelles et de petite étoffe au regard de la grandeur d’un tel Dieu. Properce sur ce propos :

Nam quid ego heroas, quid raptem in crimine divos ? Jupiter infamat seque suamque domum. Amour me fait descendre.) Semblable excuse en Ho race* :