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Dedans le cœur pour vous autant j’ay de douleur,
Comme il y a de grains dedans ceste Grenade.
Yeux qui fistes sur moy la premiere embuscade,
Des-attisez ma flame, et desseichez mes pleurs :
Je faux, vous ne pourriez : car le mal, dont je meurs,
Est si grand, qu’il ne peut se guarir d’une œillade.
Ma Dame, croyez moy, je trespasse pour vous :
Je n’ay arteres, nerf, tendon, veine ny pous,
Qui ne sente d’Amour la fiévre continue.
L’Amour à la Grenade en symbole estoit joint :
Ses grains en ont encore la force retenue,
Que de signe et d’effect vous ne cognoissez point.


L

Ma Dame, je me meurs abandonné d’espoir :
La playe est jusqu’à l’oz : je ne suis celuy mesme
Que j’estois l’autre jour, tant la douleur extrême
Forçant la patience, a dessus moy pouvoir.
Je ne puis ny toucher, gouster, n’ouyr ny voir :
J’ay perdu tous mes sens, je suis une ombre blesme :
Mon corps n’est qu’un tombeau. Malheureux est qui
Malheureux qui se laisse à l’Amour decevoir ! [aime,
Devenez un Achille aux playes qu’avez faites,
Un Telefe je suis, lequel s’en va perir :
Monstrez moy par pitié voz puissances parfaites,
Et d’un remede prompt daignez moy secourir.
Si vostre serviteur, cruelle, vous desfaites,
Vous n’aurez le Laurier pour l’avoir fait mourir.