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Mes sens de toutes parts se trouverent contens,
Mes yeux en regardant la fleur de ton Printemps,
L’oreille en t’escoutant : et sans ceste compagne,
Qui tousjours noz propos tranchoit par le milieu,
D’aise au ciel je volois, et me faisois un Dieu :
Mais tousjours le plaisir de douleur s’accompagne.


XLIIII

Quand l’Esté dans ton lict tu te couches malade,
Couverte d’un linseul de roses tout semé,
Amour d’arc et de trousse et de fleches armé,
Caché dans ton chevet, se tient en embuscade.
Personne ne te voit, qui d’une couleur fade
Ne retourne au logis ou malade ou pâmé :
Qu’il ne sente d’amour tout son cœur entamé,
Ou ne soit esblouy des rais de ton œillade.
C’est un plaisir de voir tes cheveux arrangez
Sous un scofion peint d’une soye diverse :
Voir deça, voir delà tes membres allongez,
Et ta main, qui le lict nonchalante traverse,
Et ta voix qui me charme, et ma raison renverse
Si fort, que tous mes sens en deviennent changez.


XLV

D’autant que l’arrogance est pire que l’humblesse,
Que les pompes et fards sont tousjours desplaisans,
Que les riches habits d’artifice pesans
Ne sont jamais si beaux que la pure simplesse :
D’autant que l’innocente et peu caute jeunesse
D’une vierge vaut mieux en la fleur de ses ans,