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Lhierre, le tapis d’un bel antre sauvage,
Sources qui bouillonnez d’un surgeon sablonneux,
Pigeons qui vous baisez d’un baiser amoureux,
Tourtres qui lamentez d’un eternel vefvage,
Rossignols ramagers, qui d’un plaisant langage
Nuict et jour rechantez voz versets amoureux :
Vous à la gorge rouge estrangere Arondelle,
Si vous voyez aller ma Nymphe en ce Printemps
Pour cueillir des bouquets par ceste herbe nouvelle,
Dites luy, pour-neant que sa grace j’attens,
Et que pour ne souffrir le mal que j’ay pour elle,
J’ay mieux aimé mourir que languir si long temps.


XIX

Que me servent mes vers, et les sons de ma lyre,
Quand nuict et jour je change et de mœurs et de peau
Pour aimer sottement un visage si beau ?
Que l’homme est malheureux qui pour l’amour souspire !
Je pleure, je me deuls, je suis plein de martire,
Je fais mille Sonets, je me romps le cerveau,
Et ne suis point aimé : un amoureux nouveau
Gaigne tousjours ma place, et je ne l’ose dire.
Ma Dame en toute ruse a l’esprit bien appris,
Qui tousjours cherche un autre apres qu’elle m’a pris.
Quand d’elle je bruslois, son feu devenoit moindre.
Mais ores que je feins n’estre plus enflamé,
Elle brusle apres moy. Pour estre bien aimé,
Il faut aimer bien peu, beaucoup promettre, et feindre.