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Devorans tout son bien, si est-ce qu’il brusloit
D’embrasser son espouse, et jamais ne vouloit
Devenir immortel avec Circe la belle,
Pour ne revoir jamais Penelope, laquelle
Pleurant luy rescrivoit de son fascheux sejour,
Pendant qu’en son absence elle faisoit l’amour :
(Si bien que le Dieu Pan de ses jeux print naissance,
D’elle et de ses muguets la commune semence)
Envoyant tout expres, pour sa commodité,
Son fils chercher Ulysse en Sparte la cité.
» Voila comment la femme avec ses ruses donte
» L’homme, de qui l’esprit toute beste surmonte.
Quand on peult par hazard heureusement choisir
Quelque belle maistresse, et l’avoir à plaisir,
Soit de haut ou bas lieu, pourveu qu’elle soit fille
Humble, courtoise, honneste, amoureuse et gentille,
Sans fard, sans tromperie, et qui sans mauvaitié
Garde de tout son cœur une simple amitié,
Aimant trop mieux cent fois à la mort estre mise,
Que de rompre sa foy quand elle l’a promise :
Il la faut honorer tant qu’on sera vivant,
Comme rare joyau qu’on treuve peu souvent.
» Celuy certainement merite sur la teste
» Le feu le plus ardent d’une horrible tempeste,
» Qui trompe une pucelle : et mesmement alors
» Qu’elle se donne à nous, et de cœur et de cors.
N’est-ce pas un grand bien quand on fait un voyage.
De rencontrer quelcun qui d’un pareil courage
Veut nous accompagner, et comme nous passer
Les torrens, les rochers fascheux à traverser ?
Aussi n’est-ce un grand bien de trouver une amie,
Qui nous ayde à passer ceste chetive vie,