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LIVRE I

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Seulement je me deuls des ailes de mon âge, Qui me laissent le chef semé de cheveux gris. Si tu me vois ou palle, ou de fiévre surpris, Quelquefois solitaire, ou triste de visage, Tu ne dois imputer ta faute à mon dommage : L’Aurore ne met point son Thiton à mespris. Si tu es de mon mal seule cause premiere, Il faut que de mon mal tu sentes les effects : C’est une sympathie aux hommes coustumiere. Je suis (j’en jure Amour) tout tel que tu me fais : Tu es mon cœur, mon sang, ma vie et ma lumiere : Seule je te choisy, seule aussi tu me plais. XV

De voz yeux tout divins, dont un Dieu se paistroit, (Si un Dieu se paissoit de quelque chose en terre) Je me paissois hier, et Amour qui m’enferre, Ce-pendant sur mon cœur ses flesches racoustroit. Mon œil dedans le vostre esbahy rencontroit Cent beautez qui me font une si douce guerre, Et la mesme vertu, qui toute se reserre En vous, d’aller au Ciel le chemin me monstroit. Je n’avois ny esprit ny penser ny oreille, Qui ne fussent ravis de crainte et de merveille, Tant d’aise transportez mes sens estoient contens. J’estois Dieu, si mon œil vous eust veu davantage : Mais le soir qui survint, cacha vostre visage, Jaloux que les mortels le vissent si long temps.