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XI

Je haïssois et ma vie et mes ans,
Triste j’estois de moymesme homicide :
Mon cœur en feu, mon œil estoit humide,
Les Cieux m’estoient obscurs et desplaisans.
Alors qu’Amour, dont les traicts sont cuisans,
Me dist, Ronsard, pour avoir un bon guide
De l’Astre sainct qui maistre te preside,
Peins le portrait au milieu de tes gans :
Sans contredit à mon Dieu j’obey.
J’ay bien cognu qu’il ne m’avoit trahy :
Car dés le jour que je feis la peinture,
Heureux je vey prosperer mes desseins.
Comment n’auroy-je une bonne aventure,
Quand j’ay tousjours mon Astre entre les mains ?

XII

Plus que mes yeux j’aime tes beaux cheveux,
Liens d’Amour que l’or mesme accompaigne,
Et suis jaloux du bon-heur de ton peigne,
Qui au matin desmesle leurs beaux neuds.
En te peignant il se fait riche d’eux,
Il les desrobe : et l’Amour qui m’enseigne
D’estre larron, commande que je prenne
Part au butin assez grand pour tous deux.
Mais je ne puis : car le peigne fidelle
Garde sa proye, et puis ta damoiselle
Serre le reste, et me l’oste des doigts.