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SONETS ET MADRIGALS POUR ASTRÉE


I

Dois-je voler emplumé d’esperance,
Ou si je dois, forcé du desespoir,
Du haut du Ciel en terre laisser choir
Mon jeune amour avorté de naissance ?
Non, j’aime mieux, leger d’outrecuidance,
Tomber d’enhaut, et fol me decevoir,
Que voler bas, deussé-je recevoir
Pour mon tombeau toute une large France.
Icare fit de sa cheute nommer,
Pour trop oser, les ondes de la mer :
Et moy je veux honorer ma contrée
De mon sepulchre, et dessus engraver,
Ronsard voulant aux astres s’eslever,
Fut foudroyé par une belle astrée.


II

Le premier jour que j’avisay la belle
Ainsi qu’un Astre esclairer à mes yeux,
Je discourois en esprit, si les Dieux
Au Ciel là haut estoient aussi beaux qu’elle.
De son regard mainte vive estincelle
Sortoit menu comme flame des Cieux :
Si qu’esblouy du feu victorieux,
Je fus veincu de clarté si nouvelle.