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LE SECOND LIVRE DES AMOURS DE P. DE RONSARD, Commenté par Remy Belleau


ELEGIE A SON LIVRE

Mon fils, si tu sçavois ce qu’on dira de toy,
Tu ne voudrais jamais desloger de chez moy,
Enclos en mon estude : et ne voudrais te faire
Salir ny fueilleter aux mains du populaire.
Quand tu seras party, sans jamais retourner,
Estranger loin de moy te faudra sejourner :
» Car ainsi que le vent sans retourner s’en-vole,
» Sans espoir de retour s’eschappe la parole.
Or tu es ma parole, à qui de nuict et jour
J’ay conté les propos que m’enseignoit Amour,
Pour les mettre en ces vers qu’en lumiere tu portes,
Crochetant, maugré moy, de mon bufet les portes,
Pauvret ! qui ne sçais pas que nos peuples se font
Plus subtilz par le nez que le Rhinoceront.
Donc, avant que tenter le hazard du naufrage,
Voy du port la tempeste, et demeure au rivage :
« Trop tard on se repent, quand on s’est embarqué.
Tu seras assez tost des mesdisans mocqué
D’yeux, et de haussebecs, et d’un branler de teste.
» Sage est celuy qui croit à qui bien l’admonneste.