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Et la douce beauté qui me faisoit la guerre,
De l’œil par le dedans, du ris par le dehors.
La Parque maintenant ceste guerre a desfaite :
La terre aime le corps, et de l’ame parfaite
Les Anges de là sus se vantent bien-heureux.
Amour d’autre lien ne sçauroit me reprendre.
Ma flame est un sepulchre, et mon cœur une cendre,
Et par la mort je suis de la mort amoureux.

ELEGIE

Le jour que la beauté du monde la plus belle
Laissa dans le cercueil sa despouille mortelle
Pour s’en-voler parfaite entre les plus parfaits,
Ce jour Amour perdit ses flames et ses traits,
Esteignit son flambeau, rompit toutes ses armes,
Les jetta sur la tombe, et l’arrousa de larmes :
Nature la pleura, le Ciel en fut fasché
Et la Parque, d’avoir un si beau fil trenché.
Depuis le jour couchant jusqu’à l’Aube vermeille
Phenix en sa beauté ne trouvoit sa pareille,
Tant de graces en son front et d’attraits elle avoit :
Ou si je me trompois, Amour me decevoit.
Si tost que je la vey, sa beauté fut enclose
Si avant en mon cœur, que depuis nulle chose
Je n’ay veu qui m’ait pleu, et si fort elle y est,
Que toute autre beauté encores me desplait.
Dans mon sang elle fut si avant imprimée,
Que tousjours en tous lieux de sa figure aimée
Me suivoit le portrait, et telle impression
D’une perpetuelle imagination