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Quand ses yeux m’esclairoient, et qu’en terre j’avois
Le bon-heur de les voir, à l’heure je vivois,
Ayant de leurs rayons mon ame gouvernée.
Maintenant je suis mort : la Mort qui s’en-alla
Loger dedans ses yeux, en partant m’appella,
Et me fit de ses pieds accomplir ma journée.


II

Alors que plus Amour nourrissoit mon ardeur,
M’asseurant de jouyr de ma longue esperance :
A l’heure que j’avois en luy plus d’asseurance,
La Mort a moissonné mon bien en sa verdeur.
J’esperois par souspirs, par peine, et par langueur
Adoucir son orgueil : las ! je meurs quand j’y pense.
Mais en heu d’en jouyr, pour toute recompense
Un cercueil tient enclos mon espoir et mon cœur.
Je suis bien malheureux, puis qu’elle vive et morte
Ne me donne repos, et que de jour en jour
Je sens par son trespas une douleur plus forte.
Comme elle je devrois reposer à mon tour :
Toutesfois je ne voy par quel chemin je sorte,
Tant la Mort me r’empaistre au labyrinth d’Amour.


III

Comme on voit sur la branche au mois de May la rose
En sa belle jeunesse, en sa premiere fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au poinct du jour l’arrose :
La grace dans sa fueille, et l’amour se repose,
Embasmant les jardins et les arbres d’odeur :