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Celuy qui mieux serait en ses baisers appris,
Sur tous les jouvenceaux emporteroit le pris,
Serait dit le veinqueur des baisers de Cythere,
Et tout chargé de fleurs s’en-iroit à sa mere.
0 ma belle Maistresse, hé que je voudrais bien
Qu’Amour nous eust conjoint d’un semblable lien,
Et qu’aprez noz trespas dans noz fosses ombreuses
Nous fussions la chanson des bouches amoureuses :
Que ceux du Vandomois dissent tous d’un accord,
(Visitant le tombeau sous qui je serais mort)
Nostre Ronsard quittant son Loir et sa Gastine,
A Bourgueil fut espris d’une belle Angevine :
Et que les Angevins dissent tous d’une vois,
Nostre belle Marie aima un Vandomois :
Les deux n’avoient qu’un cœur, et l’amour mutuelle,
Qu’on ne voit plus icy, leur fut perpetuelle.
Siecle vrayment heureux, siecle d’or estimé,
Où tousjours l’amoureux se voyoit contre-aimé.
Puisse arriver apres l’espace d’un long âge,
Qu’un esprit vienne à bas sous le mignard ombrage
Des Myrthes, me conter que les âges n’ont peu
Effacer la clarté qui luist de nostre feu :
Mais que de voix en voix, de parole en parole
Nostre gentille ardeur par la jeunesse vole,
Et qu’on apprend par cœur les vers et les chansons,
Qu’Amour chanta pour vous en diverses façons,
Et qu’on pense amoureux celuy qui rememore
Vostre nom et le mien, et noz tumbes honore.
Or il en adviendra ce que le ciel voudra,
Si est-ce que ce Livre immortel apprendra
Aux hommes, et au temps, et à la renommée
Que je vous ay six ans plus que mon cœur aimée.