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Qu’il se ronge le cœur, et voye ses dessains
Tousjours luy eschapper comme vent de ses mains,
Soupçonneux, et resveur, arrogant, solitaire,
Et luy-mesme se puisse à luy-mesme desplaire.
J’aurois desur le chef un rameau de Laurier,
J’aurois desur le flanc un beau poignard guerrier,
La lame seroit d’or, et la belle poignée
Ressembleroit à l’or de ma tresse peignée :
J’aurois un Cystre d’or, et j’aurois tout aupres
Un Carquois tout chargé de flames et de traits.
Ce temple frequenté de festes solennelles
Passerait en honneur celuy des immortelles,
Et par vœuz nous serions invoquez tous les jours,
Comme les nouveaux Dieux des fidelles amours.
D’âge en âge suivant au retour de l’année
Nous aurions pres le temple une feste ordonnée,
Non pour faire courir, comme les anciens,
Des chariots couplez aux jeux Olympiens
Pour saulter, pour lutter, ou de jambe venteuse
Franchir en haletant, la carriere poudreuse :
Mais tous les jouvenceaux des pays d’alentour
Touchez au fond du cœur de la fleche d’Amour,
Ayant d’un gentil feu les ames allumées,
S’assembleraient au temple avecques leurs aimées :
Et là, celuy qui mieux sa lévre poserait
Dessus la lévre’ aimée, et plus fort baiserait,
Ou soit d’un baiser sec, ou d’un baiser humide,
D’un baiser court ou long, ou d’un baiser qui guide
L’ame desur la bouche, et laisse trespasser
Le baiseur qui ne vit sinon que du penser,
Ou d’un baiser donné comme les colombelles,
Lors qu’ils se font l’amour de là bouche et des ailes.