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Et ne sentir jamais mon labeur engourdy,
Que tout l’ouvrage entier pour vous ne soit ourdy.
Si j’estois un grand Roy, pour eternel exemple
De fidelle amitié, je bastirois un temple
Desur le bord de Loire, et ce temple auroit nom
Le temple de Ronsard et de sa Marion.
De marbre Parien serait vostre effigie,
Vostre robe serait à plein fons eslargie
De plis recamez d’or, et voz cheveux tressez
Seraient de filetz d’or par ondes enlassez.
D’un crespe canellé serait la couverture
De vostre chef divin, et la rare ouverture
D’un reth de soye et d’or, fait de l’ouvriere main
D’Arachne ou de Pallas, couvrirait vostre sein.
Vostre bouche serait de roses toute pleine,
Respandant par le temple une amoureuse haleine.
Vous auriez d’une Hebé le maintien gracieux,
Et un essaim d’amour sortirait de voz yeux :
Vous tiendriez le haut bout de ce temple honorable,
Droicte sur le sommet d’un pilier venerable.
Et moy d’autre costé assis au mesme heu,
Je serois remarquable en la forme d’un Dieu :
J’aurois en me courbant dedans la main senestre
Un arc demy-vouté, tout tel qu’on voit renaistre
Aux premiers jours du mois le reply d’un croissant :
lit j’aurois sur la corde un beau trait menassant
Non le serpent Python, mais ce sot de jeune homme,
Qui maintenant sa vie et son ame vous nomme,
Et qui seul me fraudant, est Roy de vostre cœur,
Qu’en fin en vostre amour vous trouverez mocqueur.
Quiconque soit celuy, qu’en vivant il languisse,
Et it chacun hay luy mesme se haysse,