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II. LIVRE DES AMOURS 127 fit response, qu’il estait sans feu et sans armes, et qu’il avoit laissé son brandon dedans les yeux de Marie. Un Daulphin.) Il fait advertir Thetis par un Daulphin à l’imitation de la fable qu’en raconte Oppian, qui dit que Neptune estant amoureux, et ne pouvant trouver sa dame qui se cachoit de luy, la recouvra par la dili gence des Dauphins, et pour recompense leur donna la vistesse sur tous les autres poissons, et encore je ne sçay quel instinct d’amour qu’ils portent aux hommes. Voy Oppian et Pline en son second livre, 8. chap[itre].


CHANSON

Quand j’estois libre, ains que l’amour cruelle
Ne fut esprise encore en ma mouëlle,
Je vivois bien-heureux :
De toutes parts cent mille jeunes filles
Se travailloient par leurs flames gentilles
A me rendre amoureux.
Mais tout ainsi qu’un beau Poulain farouche,
Qui n’a masché le frein dedans la bouche,
Va seulet escarté,
N’ayant sducy, sinon d’un pied superbe
A mille bonds fouler les fleurs et l’herbe,
Vivant en liberté :
Ores il court le long d’un beau rivage,
Ores il erre au fond d’un bois sauvage,
Fuyant de sault en sault :
De toutes parts les Poutres hanissantes
Luy font l’amour, pour-neant blandissantes
A luy qui ne s’en chaut :
Ainsi j’allois, desdaignant les pucelles,
Qu’on estimoit en beauté les plus belles,
Sans respondre à leur vueil :