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Las ! ce qui plus me deult, c’est que n’estes contante De voir que ma Muse est si basse et si rampante, Qui souloit apporter aux François un effroy. Mais vostre peu d’amour ma loyauté tourmente, Et sans aucun espoir d’une meilleure attente Tousjours vous me liez, et triomphez de moy.


BELLEAU

Marie, tout ainsi.) Il s’excuse en ce Sonet d’avoir changé de façon d’escrire en ceste seconde partie, disant que tout ainsi que Marie luy a tourné le sens et la raison, aussi elle l’a fait chanter d’autre stile et d’autre sorte que paravant.


CHANSON

Si je t’assauls, Amour, Dieu qui m’est trop cognu !
Pour neant en ton camp je feray des alarmes :
Tu es un vieil routier, et bien appris aux armes,
Et moy jeune guerrier, mal appris, et tout nu.
Si je suis devant toy, je ne sçaurois aller
En lieu que je ne sois devancé de ton aile :
Si je veux me cacher, l’amoureuse estincelle
Qui reluist en mon cœur, me viendra déceler.
Si je veux m’embarquer, tu es fils de la mer,
Si je m’enleve au ciel, ton pouvoir y commande,
Si je tombe aux enfers, ta puissance y est grande :
Ainsi maistre de tout, force m’est de t’aimer.
Or je t’aimeray donq, bien qu’envis de mon cœur,
Si c’est quelque amitié que d’aimer par contrainte :
» Toutefois (comme on dit) on voit souvent la crainte
» S’accompagner d’amour, et l’amour de la peur.