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Et quel venin deseche ma mouëlle,
Ma voix tremblote, et ma langue chancelle,
Mon cœur se pasme, et le sang me tressaut :
En mesme instant j’endure froid et chaut,
Sur mes genoux descend une gelée,
Jusqu’aux talons une sueur salée
De tout mon corps comme un fleuve se suit,
Et sur mes yeux nage une obscure nuit :
Tant seulement mes larmes abondantes
Sont les tesmoings de mes flames ardantes,
De mon amour, et de ma foy aussi,
Qui sans parler te demandent mercy.


BELLEAU Quand je te veux raconter mes douleurs.) Il dit à sa dame l’occasion, pour laquelle il ne luy peut bien descou vrir comment il est espris de son amour, lors qu’il est en sa presence, n’oubliant rien de toutes les passions amoureuses, qu’un vray et fidele serviteur endure, telle ment passionné, qu’il ne luy reste rien que ses larmes, qui sans parler, d’elles mesmes demandent mercy. C’est une traduction de Manille : Vaesanos quoties tibi furores Atque ignes paro quos moves referre, Et quantus Deus ossibus pererret.

CHANSON

Je suis tellement amoureux,
Qu’au vray raconter je ne puis,
Ny où je suis, ne qui je suis,
Ny combien je suis malheureux.