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PIERRE DE RONSARD

il n’a rien à se reprocher de cette sorte. Chrétien de bonne foi, quoique paganisé d’imagination, il ignore trop évidemment certains besoins mystiques et moraux des grandes âmes de son époque et, d’où qu’ils viennent, s’étonne de les rencontrer. Mais il a sincèrement horreur de voir « la secte calvine » faire de « cette pauvre terre » de France « la proie de l’Angleterre » et amener « l’étranger qui boit les eaux du Rhin ». Pour ce crime, il invoque la punition du ciel et le châtiment des lois ; il compte aussi sur le repentir généreux des coupables. Comme autrefois Pétrarque criant : Pace ! Pace ! à travers une Italie déchirée, en des vers qu’il connaît fort bien, il apprend aux Français ivres de sang qu’ils sont les fils d’une même mère digne d’amour, et dresse devant leurs yeux, au milieu du combat fratricide, cette image désolée. Une tendresse par moments se mêle à ces objurgations frémissantes :

De Bèze, je te prie, écoute ma parole…
La terre qu’aujourd’hui tu remplis toute d’armes
Et de nouveaux chrétiens déguisés en gens d’armes…
Ce n’est pas une terre allemande ou gothique,
Ni une région tartare ni scythique ;
C’est celle où tu naquis, qui douce te reçut,
Alors qu’à Vézelay ta mère te conçut ;
Celle qui t’a nourri et qui t’a fait apprendre
La science et les arts dès ta jeunesse tendre,
Pour lui faire service et pour en bien user…