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A peine Homère en ses vers te diroit
Quel vermillon égaler la pourrait :
Car pour la peindre ainsi qu’elle mérite,
Peindre il faudrait celle d’une Charité.
Pein la moy doncq, qu’elle semble parler,
Ores sourrire, ores embasmer l’air
De ne sçay quelle ambrosienne haleine.
Mais par sur tout fay qu’elle semble pleine
De la douceur de persuasion.
Tout à l’entour attache un milion
De ris, d’attraits, de jeux, de courtoisies,
Et que deux rangs de perlettcs choisies
D’un ordre égal, en la place des dents
Bien poliment soient arrangez dedans.
Pein tout autour une lèvre bessonne,
Qui d’elle mesme, en s’eslevant, semonne
D’estre baisée, ayant le teint pareil
Ou de la rose, ou du coural vermeil,
Elle flambante au printemps sur l’espine,
Luy rougissant au fond de la marine.
Pein son menton au milieu fosselu,
Et que le bout en rondeur pommelu
Soit tout ainsi que Ion voit apparoistre
Le b[o]ut d’un coin qui ja commence à croistre.
Plus blanc que laict caillé dessus le jonc
Pein luy le col, mais pein-le un petit long,
Gresle et charnu : et sa gorge douillette
Comme le col soit un petit longuette.
Apres fay luy par un juste compas,
Et de Junon les coudes et les bras,
Et les beaux doigts de Minerve, et encore
La main égale à celle de l’Aurore.