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PIERRE DE RONSARD

accueil et gracieux remerciements pour tant de vers à sa gloire. Grâce à cette pudique réserve, la source des premiers émois ne s’est point tarie. On reconnaît dans le flot si mélangé de ces recueils, où Genèvre, Astrée et d’autres encore confondent leurs sensuelles images, l’onde chaste qui reflète celle de Cassandre. Elle reste l’idéal d’une vie qui ne se refuse pas à des réalités souvent fort vulgaires. Elle l’illumine jusqu’à la fin, et il n’est pas de vers plus purs, ni d’un accent plus pénétrant, que ceux qui furent écrits pour elle ou sous le rayon de son étoile.

O beaux yeux, qui m’étiez si cruels et si doux…

On retrouve moins aisément ceux que Marie a inspirés. Cette amoureuse a existé, mais non telle assurément que la dépeignent des biographes dociles, dupés par les arrangements de Ronsard dans ses éditions tardives. Il y a des confusions volontaires dans son « Canzoniere » et plus d’une pièce mise sous le nom de Marie a pu être composée pour une autre ; on sent parfois aussi une transformation analogue à celle qui met en scène, dans ses églogues, des princes ou des gens de son propre rang sous des noms de bergers et parmi les détails de la vie champêtre. Il a pourtant imposé à l’imagination de la postérité, après l’avoir transfigurée dans la sienne, cette fille de Bour-