II
Parmi tant de livres précieux de notre poésie du xvie siècle présentés dans tous les formats et tous les caractères, que les bibliophiles se disputent aujourd’hui, celui qu’il faut choisir entre tous comme la relique la plus émouvante, c’est le très menu volume de 182 feuillets, dont le titre, chargé de vers grecs de Jean Dorat, porte : Les quatre premiers livres des Odes de Pierre de Ronsard, Vendômois, ensemble son Bocage, publiés à Paris par Guillaume Cavellart, imprimeur juré de l’Université, « à la Poule grasse », avec la date de 1550. L’avis du poète Au Lecteur, en vive prose batailleuse, ouvre un recueil où tout est neuf, où chaque page a dû scandaliser les vieux écrivains et ravir d’aise une jeunesse impatiente de chants inconnus. Aucun livre de vers n’est plus vénérable pour un Français, pas même cette Défense et illustration de la langue française, parue quelques mois auparavant et qui ne semble écrite que pour le préparer.
Dans le manifeste de l’école, Joachim du Bellay ne se bornait pas à glorifier la langue nationale