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LXI

Dedans un pré je vis une Naiade,
Qui comme fleur marchoit dessus les fleurs,
Et mignottoit un bouquet de couleurs,
Echevelée en simple verdugade.
De son regard ma raison fut malade,
Mon front pensif, mes yeux chargez de pleurs,
Mon cœur perclus : tel amas de douleurs
En ma franchise imprima son œillade.
Là je senty dedans mes yeux voiler
Un dous venin, subtil à s’escouler
Au fond de l’ame, où le mal est extresme :
Puis comme un liz de la gresle froissé
Languist à bas, j’eu le cœur abaissé,
Et dans mon feu je m’immolay moy-mesme.


MURET Dedans un pré.) Il poursuit comme il fut surpris dedans un pré par les beautez d’une Naiade.


LXII

Quand ces beaux yeux jugeront que je meure,
Avant mes jours me banissant là bas,
Et que la Parque aura porté mes pas
A l’autre bord de la rive meilleure :
Antres et prez, et vous forests, à l’heure,
Pleurant mon mal, ne me dédaignez pas :
Ains donnez moy sous l’ombre de vos bras,
Une éternelle et paisible demeure.