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XLIX

Amour, Amour, que ma maistresse est belle !
Soit que j’admire ou ses yeux, mes seigneurs,
Ou de son front la grâce et les honneurs,
Ou le vermeil de sa lèvre jumelle.
Amour, Amour, que ma dame est cruelle !
Soit qu’un desdain rengrege mes douleurs,
Soit qu’un despit face naistre mes pleurs,
Soit qu’un refus mes playes renouvelle.
Ainsi le miel de sa douce beauté
Nourrit mon cœur : ainsi sa cruauté
D’un fiel amer aigrist toute ma vie :
Ainsi repeu d’un si divers repas,
Ores je vy, ores je ne vy pas,
Egal au sort des frères d’Oebalie.


MURET

Amour, Amour.) Il s’esmerveillc de deux choses en sa dame : c’est à sçavoir, de la beauté, et de la cruauté, disant que ceste là le fait vivre, ceste-cy le fait mourir. Egal au sort des frères d’Oebalie.) Estant égal à Castor et à Pollux, qui vivent par ranc. Ces deux furent fils à Lede : mais Pollux fut conceu de la semence de Jupiter : Castor, de celle de Tyndarée. Par ainsi Pollux estoit immortel : Castor mortel. Avint que Castor fut tué par Meleagre, ou, comme les autres disent, par Polynice : Pollux fut de telle amour vers son frère, qu’il pria Jupiter luy permettre de partir son immortalité avecques luy. Ce qui luy fut accordé, tellement qu’ils vivent et sont au ciel par ranc l’un après l’autre. Homère, [Od. XI, 298.]